- Spoiler:
Ouais, j’ai dû reprendre une partie de c’que j’avais d’jà écrit dans le post d’avant, pour que le dialogue soit cohérent. Désolée pour l’aspect un peu redondant du début, du coup ^^’
« Non, ça n'est pas de moi. Mais te connaissant, je doute que tu t'en préoccupes réellement, n'est-ce pas ?
- En vérité, si. Je ne crois pas que qui que ce soit m’apprécie suffisamment ou possède la sensibilité nécessaire pour m’apporter des fleurs en me souhaitant un bon rétablissement. À part toi, j’entends, mais toi t’es… Hors catégorie. »
Il marqua une pause, tandis que je me demandai si je devais ou non lui parler de Cammy. Après tout, même moi, je n’aurais su dire avec exactitude la raison qui l’avait poussée à venir ici chaque semaine, sans faillir, pendant six mois.
« Et ce n’est pas un compliment. »
J’esquissai un sourire. Décidément, même après tant de temps, il restait égal à lui-même.
« D’ailleurs, je m’étonne de ne pas voir de narcisses à mon chevet, égocentrique que tu es. Tu as perdu en ambition. »
Je laissai échapper un petit rire empreint de dérision. Si j’avais su !
« Il y en avait, » je fis remarquer. « Des narcisses et des chrysanthèmes. Mais… »
Je laissai ma phrase en suspens, peu désireux de lui révéler que c’est la peur du rejet qui m’avait poussé à ne pas les lui donner. J’avais ma fierté – comme toujours.
Il a ramené ses jambes contre lui.
« Alors comme ça, je t’ai… Manqué ? »
- Voyons, Sora... » commençai-je. « Bien sûr que tu m'as manqué. »
Baissant la voix d'un ton, je finis dans un murmure au creux de son oreille.
« À en mourir. »
Je frissonnai violemment tandis qu’il me répondait sur le même ton, tout contre ma joue.
« Subtile ironie, Narcisse, subtile ironie. Je m’esclaffe. Comme toujours. »
J’ai attrapé une des marguerites éparpillées sur le sol, en m’écartant.
« Tu manques toujours autant de délicatesse, visiblement. » je lâchai dans un petit rire. « Mais j'aurais probablement été déçu de te trouver moins combatif, n'est-ce pas ? »
Question rhétorique, évidemment. Je m’assis prudemment au bord du lit, avant de demander :
« Alors, dis-moi. Qu'est-ce que ça fait, de mourir ? »
Je sus au moment même ou les mots franchissaient mes lèvres que je n’aurais pas dû dire ça. Sora excellait autant que moi dans l’art de camoufler ses émotions, mais ce que je devinai dans son regard, un bref instant, me fit regretter instantanément ma question. Je le savais aussi bien que lui, pourtant : il avait réellement frôlé la mort. Je l’avais vécu autant, peut-être même plus que lui, à dépérir à son chevet, et je me rendais compte à présent que lui aussi était terrifié à l’idée de ce qui aurait pu se passer. J’avais l’impression que mon sang avait laissé place à de l’eau glacée, et je frissonnai à nouveau ; il me fallut fermer les yeux un moment pour me ressaisir et me remettre en tête que le cauchemar était bel et bien terminé.
« Le piment a beau être un légume, je n’avais pas non plus l’intention d’en devenir un, je te rassure. » lâcha-t-il d’un ton détaché, son habituelle expression amusée peinte sur le visage.
J’entrouvris les lèvres pour lui lancer quelque répartie de mon cru, afin de chasser la tension qui s’était installée, mais les sons se bloquèrent au fond de ma gorge. D’un geste des plus naturels, il s’était emparé d’une mèche de mes cheveux, qu’il faisait à présent jouer entre ses doigts, comme si ce geste à mon égard n’avait rien d’inhabituel venant de lui.
J’en restai coi, et la marguerite que j’avais ramassée un instant plus tôt s’échappa de mes mains, seul signe extérieur de ma surprise.
À ce stade, le voir porter la mèche de cheveux à son visage me força à déployer tout le self-contrôle dont je disposais pour ne pas le serrer désespérément contre moi – geste qu’il n’aurait probablement pas cautionné, malgré le rapprochement volontaire qu’il venait de manifester.
La chaleur humaine lui avait-elle donc tant manqué, pour qu’il en fût réduit à rechercher la mienne ?
« C’est horrible. Dire que je pensais être dispensé de voir ta sale tronche pour au moins quelques années, j’ai vite déchanté. Il y’en a beaucoup des comme toi, en enfer. Je crois qu’on appelle ça des... incubes ? »
Je laissai échapper un éclat de rire tandis que mes cheveux s’échappaient de ses doigts.
« Mais les incubes s’attaquent à leurs victimes dans leur sommeil… Est-ce que ça veut dire que tu as rêvé de moi, ces six derniers mois ? » avançai-je par provocation.
Le sourire qui se peignit sur son visage ne signifiait qu’une chose : la vraie partie commençait maintenant.
Et Sora ne se fit pas attendre pour porter le premier coup : d’un geste vif, il porta sa main au creux de mon cou, m’arrachant de délicieux frissons d’anticipation. Si j’étais parfaitement conscient que ce geste n’avait pour lui rien de réellement… Intime, dirons-nous, je ne l’en appréciais pas moins.
La sensation de ses doigts frais contre ma peau à présent brûlante m’arracha un imperceptible soupir, et il me sembla que tout mon corps s’électrisait, comme si mon échine était parcourue par d’infimes décharges de la nature la plus plaisante qui soit. Cependant, je n’en montrai rien, laissant Sora à son observation, me délectant de son regard sur moi tandis il faisait ployer mon cou sous la pression de sa main autour de ma mâchoire.
« Plus sérieusement, si on compare nos tronches, je ne crois pas être celui qui a eu la plus longue descente aux enfers. »
J’eus l’impression qu’un cube de glace me descendait dans les entrailles.
« N’est-ce pas ? »
Il avait raison, très certainement. Il n’avait certes pas eu de très bons moments ces derniers temps, mais, de mon côté, son coma avait fait de ma vie un enfer.
Avait-il déjà remarqué les cicatrices sur mes poignets ? Ou bien les infimes traces de piqûre – à présent presque effacées - dans le creux de mes coudes ? Par réflexe, je ramenai discrètement mes bras vers moi, priant pour que ce geste n’éveille pas son attention.
Oui, ces six derniers mois avaient été pour moi une véritable descente aux enfers, et la preuve que mon attachement envers lui allait au-delà de l’obsession. Mais il était – évidemment - catégoriquement hors de question que je le laisse entrevoir cette partie de moi ; après tout, je ne tenais pas à le décevoir après tant de temps.
Mais il ne me connaissait que trop bien.
« Tu te négliges vieille pie, et ça ne te ressemble pas. Ne me dit pas que c’est à cause de moi que tu te retrouves dans cet état pitoyable ? »
Il y eut un silence. Il connaissait la réponse, évidemment. Mieux : il n’attendait que ça. Savoir l’effet qu’avait eu son coma sur moi semblait apparaître pour lui comme un détail hautement réjouissant, et j’aurais eu grand peine à le démentir.
Aussi décidai-je d’user de mon arme la plus sûre quand il s’agissait de masquer la vérité - sans servir quelque mensonge grossier qui n’aurait fait que m’enfoncer davantage : le sarcasme et l’ironie.
« Tu n’imagines même pas à quel point ton absence m’a été insupportable » lançai-je d’un ton théâtral en portant ma main à mon cœur.
Mais il m’apparut bien vite que les sarcasmes ne me sauveraient pas.
« Enfin. Il ne se passe pas grand-chose, dans le royaume des morts. Raconte-moi plutôt ce qui s’est passé dans celui-ci, et tout ce que j’ai manqué. Commençons par... disons, à tout hasard, toi ? »
Je me mordis la lèvre, comme pour réfléchir, hésitant quant à ce qu’il me fallait dévoiler pour qu’il ne cherche pas davantage.
« Oh… Rien de vraiment transcendant, » lançai-je d’un ton qui se voulait désinvolte.
Merde ! Voilà que mes mains tremblaient, à présent. Bravo pour la dignité.
Je cherchai mes mots un instant, me maudissant pour cet instant de faiblesse.
« J’ai continué de faire mon boulot, et continué de donner du fil à retordre à mes employeurs, » Ai-je ajouté d’un ton évasif. « Mais ils commencent à avoir l’habitude, à force. »
Pathétique. J’étais pathétique. Depuis quand j’étais capable de déblatérer de telles inepties ? Avec ça, j’aurais de la chance qu’il décide pas de me mettre dehors par déception.
Un bref silence – embarrassé pour moi, inquisiteur pour Sora – s’installa sur la pièce, interrompu par quelques coups discrets frappés à la porte.
« Oui ? » lançai-je aussitôt, soulagé par cette diversion inespérée.
Le battant s’ouvrit sur le visage de ma petite infirmière.
« Je venais juste voir si tout allait bien, » commença-t-il en rougissant légèrement, comme si elle avait conscience t’interrompre quelque chose.
Elle sembla hésiter un instant.
« Vous êtes parti tellement précipitamment tout à l’heure ; je m’inquiétais. » Finit-elle par conclure en s’adressant directement à moi.
Aïe. Si avec ça, ma dignité ne partait pas en fumée… Je me pris à espérer qu’elle s’en aille au plus vite, voulant éviter à tout prix qu’elle ne dise quoi que ce soit au sujet de mon bref séjour ici. Oh, bien sûr, elle était d’une réserve à toute épreuve, mais il y avait toujours le risque qu’elle croit que j’en avais déjà parlé à Sora. Après tout, j’avais passé tellement de temps à son chevet que la quasi-totalité de cet hôpital devait penser que nous étions ou bien amis de longue date (j’eus envie de rire à cette idée) ou bien amants.
Je pris cependant sur moi de répondre, peu désireux de la mettre dans l’embarras.
« Tout va bien, ne vous en faites pas. » Je lançai un bref regard à Sora. « Tout va très bien… »
C’était le cas, après tout. Il était vivant, réveillé, et moi je remontais la pente. Ça ne pouvait pas aller mieux.
L’infirmière nous adressa une brève courbette pour s’excuser, avant de prendre congé, et le silence s’installa à nouveau.
Je me tournai vers Sora, hésitant. Ses bras entourant de nouveau ses genoux, il n’avait pas bougé. Je poussai un léger soupir de résignation.
« Tu sais… » Commençai-je.
Je me penchai très légèrement vers lui, tendant la main vers son visage pour lui effleurer la joue.
« C’était vraiment bizarre, de te voir comme ça, toujours immobile. » Je baissai les yeux. « J’ai eu peur. Vraiment peur… »
J’avais laissé échapper ces derniers mots d’une voix basse, presque un murmure, à peine audible ; d’ailleurs, je n’étais pas certain que Sora les ait entendus.
Je m’abîmai un instant dans son regard, peu soucieux de ce que je risquais, tandis que ma main s’égarait à présent dans les mèches de cheveux, trop longues, qui encadraient son visage.
Puis, soudain inquiet de sa réaction, je me retirai prestement, masquant un bref instant mon visage de mes mains, avant de les passer machinalement dans mes cheveux pour les ramener en arrière.
Peut-être n’avais-je pas totalement remonté la pente, tout compte fait.