Hey, Sleeping Beauty ! [PV Fausto]

La la la, it doesn't matter ♪

Un pas, puis un autre, et encore un autre. En équilibre sur le muret bordant l'une des allées du parc, Søren marchait, les bras écartés, veillant à ne pas vaciller. Il avait l'air ailleurs, et le fait qu'il soit en train de chantonner n'arrangeait rien à cette impression étrange qu'il dégageait. Mais, comme toujours, il s'en foutait. Depuis son arrivée à l'institut, il s'était bien vite débarrassé de cette habitude forcée de toujours prendre soin de l'image qu'on a de lui. Selon lui, vu le nombre de cas sociaux qu'il était possible de croiser dans les couloirs, un de plus ne ferait pas la différence. Et ce n'était pas le gars aux cheveux bleus et aux vêtements flashy qu'il venait de croiser qui lui dirait le contraire.

La la la, whatever ! ♫

Une fois encore, il avait séché les cours de la journée, préférant déambuler en ville puis du côté des jardins, avant d'échouer un peu par hasard dans le parc. N'étant pas particulièrement un amateur de verdure, il n'avait jusqu'ici jamais pris le temps de s'y attarder, s'attachant le plus souvent à explorer le moindre recoin du quartier des boîtes de nuit, qu'il connaissait maintenant par cœur. Il s'agissait pour ainsi dire du seul endroit à Fake Pearl lui rappelant un tant soi peu sa région d'origine ; et malgré tout, la ville – la vrai, avec ses grattes-ciel, sa circulation et son agitation fourmillante – lui manquait. Tout lui semblait trop calme, sous la mer, comme si chacun craignait qu'une agitation trop grande ne menace l'intégrité de la cité sous-marine. Seules les manifestations intempestives de pouvoirs mutants divers et variés troublaient parfois le calme ambiant, apportant un animation bienvenue dans la routine de Søren qui, étant un habitué des foules, avait tendance à trouver le silence oppressant.
C'était d'ailleurs pour ça qu'il chantait, un peu n'importe où et n'importe quand, dès qu'il s'en sentait l'envie, ne se souciant guère de ce que pouvaient en penser les autres. Il devait rompre le silence.
D'ailleurs, ce parc commençait à lui porter sur les nerfs. Trop vert, trop grand, trop vide. Il se doutait que s'il restait plus longtemps dans les parages, son pouvoir ne tarderait pas à se manifester, comme toujours quand il était contrarié. Pourtant, il n'essaya pas de presser le pas. Il s'en fichait, en fait. Il était maintenant capable de plus ou moins contrôler la puissance de ses ondes de choc, et savait qu'il ne ferait pas de dégâts. S'assurant d'un coup d’œil qu'il n'y avait personne pour le voir, il ferma les yeux, expira, et relâcha la pression qui lui enserrait le crâne. Comme toujours, l'onde se déploya autour de lui, couchant l'herbe, secouant les arbres et soulevant un nuage de poussière dans un rayon de quelques mètres autour de lui. Une nuée d'oiseaux s'envola de l'arbre le plus proche, puis le calme retomba.
Pas pour longtemps.

« - Søren Nielsen ! »

Ledit Søren se retourna lentement, dépité de son manque d'attention. Ce qu'il découvrit ne le surprenait pas. Un surveillant, bien entendu. Fucking karma.

« - Combien de fois devrais-je te dire de ne pas utiliser ton pouvoir en dehors des salles de cours prévues à cet effet ?
- Au moins une fois de plus ? » hasarda l'adolescent.

L'adulte leva les yeux au ciel.

« - Et, par hasard, tu ne devrais pas être en cours ?
- Huh. Une grève, ou quelque chose comme ça.
- Nielsen, les professeurs ne font pas grève, ici.
- Sûr ? »


Comme on pouvait s'y attendre, le surveillant raccompagna Søren à l'institut, ne manquant pas au passage de lui rappeler un certain nombre de points de règlement qu'il omettait le plus régulièrement, le traîna à la salle de classe, débattit cinq minute avec le prof de la conduite à adopter, puis il fut décider que Søren était consigné dans sa chambre jusqu'au lendemain – avec une permission pour la pause repas – et écoperait d'un devoir supplémentaire dans la matière concernée.
Rien de très original, somme toute.

Et c'est ainsi que Søren se retrouva, à même pas 15 heures, à tourner en rond dans sa chambre, et à s'ennuyant royalement, son colocataire étant bien entendu en cours.
Il poussa un soupir à fendre l'âme – mais il n'y avait bien sûr personne pour le voir – et en désespoir de cause, s'attela à faire ce fichu devoir. Il parcouru l'énoncé en diagonale, pour constater que ce n'était somme toute rien de très difficile. Attrapant son stylo, il se mit à la tâche.
Pour se réveiller une heure plus tard avec l’énoncé imprimé sur sa joue, et pas une seule ligne d'écrite. Décidément, la théorie en cours de contrôle de pouvoir n'avait pas grand chose de passionnant. Comprenant qu'il était inutile de s'acharner et qu'il n'arriverait à rien pour aujourd'hui, il laissa la feuille en plan sur son bureau, et se dirigea vers son lit pour s'y affaler comme une loque. Avisant la pile de bouquins qui encombrait sa table de chevet, il s'empara du premier et se plongea dedans, espérant que cela suffirait à l'occuper jusqu'à l'heure du repas.



« Dis, pour te réveiller, il faut t'embrasser, bel au bois dormant ? »

Søren ouvrit les yeux. Et nota trois choses :
Un, il s'était endormi.
Deux, ce qu'il voyait de l'heure que son réveil projetait au plafond lui indiquait qu'il était 20 heures passées, et qu'il avait loupé le repas. Dammit.
Trois, s'il n'arrivait pas à voir les minutes de l'heure en question, c'est que quelque chose obstruait son champ de vision. À savoir, un mec inconnu, l'air amusé, et qu'il voyait de très très près, puisque ce dernier venait de lui murmurer sa remarque à l'oreille.
Étant en général de très mauvaise humeur au réveil, le SEER faillit envoyer valser l'inconnu en lui faisant remarquer qu'il aurait mieux fait de ne pas le réveiller du tout. Mais la curiosité l'emporta. Qu'il soit son nouveau coloc ou un simple gus s'étant trompé de chambre, ce mec restait un inconnu au bataillon, même jamais croisé dans les couloirs ; donc, un newbie. Pour Søren, toujours avide de changements, c'était une aubaine. Un caractère tout neuf à déterminer, une vie entière à découvrir, des secrets, peut-être, des ragots... Bref, que du bonheur !
Sø esquissa un sourire.

« Chiche. »

Et, se redressant sur ses coudes, il déposa un baiser – effleurant à peine les lèvres de l'individu – avant de s’asseoir complètement et de s'extirper du lit d'un mouvement souple. Se tenant maintenant debout au milieu de la pièce, il jaugea le nouvel arrivant du regard. Dans l'ensemble, plutôt mignon. Probablement plus vieux. Manifestement doté du sens de l'humour, si l'on en croyait sa remarque. Et, au vu des quelques affaires non déballées posées sur l'un des lits, bel et bien un nouvel occupant de cette chambre. Great.

« Je vois que tu emménages ? Eh bien, dans ce cas, bienvenue à Fake Pearl, aquarium pour êtres humains – ou presque. J'te jure, à tous les coups les poissons là-dehors se foutent de notre gueule pour une fois que c'est nous qui sommes sous verre. Mais bon, globalement, on est pas mal installés, ici, alors j'espère que tu t'y plairas ! »

Il fit un pas en avant, et tendit la main.

« Søren Nielsen, enchanté. Mon nom te dis peut-être quelque chose ; c'est normal » lâcha-t-il dans un sourire mutin.